Cher Christian-Edziré,
A!
Bises
Didier
p.s : une piéce jointe...
Désert beurre
Le dos plié, la tête partout
le geste ample et régulier
l’herbe courbe les feuilles
la terre s’écarte à la lame
Il y a des tâches plus nobles. De la caste des intouchables, nul ne veut prendre sa place. Regardé avec cette condescendance qui en dit long, il néglige l’appel du haut pour racler les sols. Déguisé pour être reconnu, uniformisé pour être classé, orangé pour ne pas être touché et balisé pour éviter son contact, les rues il parcourt. Seul ou accompagné, il explore la moindre parcelle habitable. Le plus petit fragment végétal, il traque sans animosité car il sait. Inutile d’éradiquer l’herbette follette. Aussitôt couchée, son grain caché remontre le bout du germe. Il faut approvisionner le faucheur à la lame assassine. Eternelle complicité entre la victime et son bourreau, l’herbe guette de l’extrémité de sa tige à la souterraine racine l’angle biseauté de la binette herbicide. L’harassant labeur est tel que les coups de pioche soulèvent des vibrations audibles aux environs. Et les ahans d’effort rythment de leur impitoyable choc, le contact du fer et de la terre à la terreur de la verdeur. Nulle néfaste volonté. Il s’agit de contenir. Il s’agit de maitriser l’inexorable. Il s’agit d’agir avec circonspection et conviction. Désherber non pour supprimer mais pour imprimer dans cette carcasse ralentie le poids de la force. Du haut vers le bas. Et encore. Du haut vers le bas. Parfois d’elle vers lui. Et encore. D’elle vers lui pour embrasser cet espace qui ne veut pas rompre. Qui ne veut pas céder le terrain. Le dos tourné aussitôt elle revient. parfois même avant. Personne ne veut lui succéder. Une fois l’homme à la binette parti, il faudra que sa tâche serve d’exemple, de repoussoir dissuasif. Elle est envisagée comme pénitence. C’est dire. L’herbe n’est pas consultée. Par qui veut-elle être exécutée ? L’ivraie comme l’officinale doit disparaître. Sa souche n’a rien à faire sur le trottoir comme dans le caniveau et la moindre plantule qui extrait son essence au coin du mur doit être immolée à la propreté son légitime propriétaire prioritaire. Il y a de siècles en siècles des cantonniers poètes qui épargnent l’herbette, insufflent de l’empathie à l’armoise et une caresse à la fleurette. Vite écartés pour faute aigüe, ils finissent leurs jours dans une friche et gisent dans les verts prés broutés par des vaches aux grands yeux amoureux, les poètes à la binette. Faire des petits tas toujours des petits tas, c’est le désherbeur des lilas. Des petits tas encore des p’tits tas, c’est le poète des pampas… Devant la prairie derrière le désert au milieu l’insecte impudent qui s’en prend à la savane muni d’un manche au fer renforcé et acéré. Sortir de la ronde éternelle pour s’allonger dans les foins, épargner la graminée comme titi le gros-minet et faire corps. Être à nouveau enfin le maître des verts espaces et le gardien de l’horizontale chlorophylle, déposer larmes et se casser la binette pour rejoindre l’humus accueillant et mirer l’astre diurne. Laisser au temps l’ire passagère du coup de binette, les affres du rendement de la houe et des chocs répétés de la pioche et que l’air parfumé des végétaux emplisse pour toujours nos poumons libérés. On le regarde. On le soupèse. On le targue. On le méprise. On se détourne. Oh ! Le vilain cul-terreux ! Juste bon à tuer de la crasse verte. Juste bon à se vautrer dans la mauvaise herbe. A peine plus utile que la lie végétale qu’il renverse. Vaux pas plus que cette envahissante verdure… Peut-être moins… Alors d’un coup de binette il fend l’herbe, d’un coup de binette il fend l’air, d’un coup de binette il signe d’un z, d’un coup de binette il aère la terre, d’un coup de binette il chique à la face du monde, d’un coup de binette il annihile le temps, d’un coup de binette il rompt le sort, l’erg jaune n’aura pas lieu.
Le 26-09-2020 - Didier Trumeau
Superbe !
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