« […] vaillants, arthuriens, leurs couleurs déchirèes par la grenaille déroulées sous les panaches désordonnés de fumées, avec, sur leur visage, cette lumière fatale qui vous remettait en mèmoire que la bataille n’est jamais vraiment terminée, que nous ne sommes jamais tout à fait maître du terrain ».
- Extrait et fin de : Dans la brume électrique avec les morts confédérés de James Lee Burke.
Arthur Rimbaud et Paul Verlaine par Jacques Cauda
Chers Amis, en pièce-jointe la prise de position de François Leperlier avec vos signatures...
Voici, chers Amis, le texte que vous avez signé, cette fois suivi de toutes nos signatures. Il sera adressé aujourd’hui (5 novembre) notamment aux sites et revues suivants : Le Comptoir, Décharge, En attendant Nadeau, Fabula, L’Intranquille, Poezibao, Sitaudis, Soapbox.
Une nouvelle tentative des panthéonisateurs est toujours possible. Restons vigilants.
Merci à tous !
Les ennemis jurés d’Arthur Rimbaud et de Paul Verlaine
Une pétition fut ouverte en septembre 2020, patronnée par une douzaine de ministres, pour demander sérieusement l’entrée conjointe d’Arthur Rimbaud et de Paul Verlaine au Panthéon.
Si l’on considère les nombreuses protestations qui n’ont pas tardé à s’exprimer, on peut juger que la plupart des contre-arguments ont été présentés, avec une diligence dont on ne peut que se féliciter[1]. La panthéonisation des deux poètes, dont l’œuvre et la vie marquent le plus complet désaveu de ce qu’elle représente, serait autant une bouffonnerie inepte qu’une formidable escroquerie intellectuelle.
Déjà, en 1927, les surréalistes ont dû s’élever contre l’édification d’une statue de Rimbaud à Charleville. A peu de choses près, le réquisitoire, qui met déjà en cause la morale du ressentiment, pourrait être resservi tel quel : Il fut toujours contre tout ce qui est, vous faites semblant de l’avoir oublié. N’essayez pas de tricher : vous n’élevez pas une statue à un poète « comme un autre », vous élevez cette statue par rancune, par petitesse, par vengeance. Vous voulez réduire celui qui admirait « le forçat intraitable sur qui se referme toujours le bagne ».
« Le drapeau va au paysage immonde ».
L’hypocrisie étend la hideur de sa main sur les hommes que nous aimons pour les faire servir à la préservation de ce qu’ils ont toujours combattu. « Je ne comprends pas les lois ; je n’ai pas le sens moral, je suis une brute : vous vous trompez ».[2]
Mais, l’entreprise d’aujourd’hui ne vise pas seulement à rendre Rimbaud et Verlaine compatibles avec un monde qu’ils n’ont cessé de rejeter ; elle n’eût certainement jamais germé si elle n’avait été surdéterminée par des motifs et des enjeux d’un autre ordre[3].
Il s’agit expressément de tirer argument d’un rapport amoureux, et de satisfaire au désir de voir entrer un couple homosexuel au Saint des saints de la République... On en est là ! Au risque de laisser penser que tout le reste n’est que prétexte ou littérature.
On nous sert un roman politiquement correct du temps d’un compagnonnage passionnel que Rimbaud dût fuir. On escamote les rêveries et les conduites hétérosexuelles ou bisexuelles, aussi avérées chez l’un que chez l’autre. On écarte soigneusement la diversité des amours de Verlaine, alternant les femmes et les hommes, porté vers l’orgie, les prostituées, les « galopins aux yeux de tribade », ou les « galopines »[4], on refoule ses tentatives de « féminicide » (!) sur sa mère, puis sur sa femme, qui annonçaient les coups de revolver de Bruxelles contre Rimbaud. Bizarrement, dans l’environnement sinistre et moralisateur que nous vivons, on s’attendrait plutôt à ce que notre cher Verlaine se retrouve dans le collimateur de « balance ton porc » plutôt que dans la crypte du Panthéon !
Mais, il s’agit ici de faire avant tout valoir une cause et non d’établir une vérité. On s’applique à un exercice de déconstruction et de censure, qui ruine le sens et manipule les faits, sur fond de nihilisme intellectuel. Toute contestation, y compris la plus légitime, la plus pertinente, se voit systématiquement mise au compte de l’homophobie ! Chantage intolérable et pitoyable, qui finira par s’user comme le reste. On va même jusqu’à vouloir nous ahurir en prétendant que les opposants à la panthéonisation des poètes révoltés sont rien moins que des suppôts de l’ordre moral ! Ces gens-là, que le ressentiment égare, sont prêts à n’importe quoi !
Depuis quand l’orientation sexuelle est-elle censée fournir un atout décisif pour bénéficier des honneurs (s’ils en sont !) de la République… ? Verra-t-on bientôt s’allonger indéfiniment une liste de grands prétendants où, posée comme un critère, la « foi sexuelle » (Claude Cahun) des uns sera mise en concurrence avec celle des autres ? Il faudra peut-être que certains s’efforcent de surmonter leur sexe pour avoir les idées claires !
En tout cas, s’il y en a un qui se réjouit au cimetière de Charleville, c’est bien Paterne Berrichon ! Voir son beau-frère, absous de ses frasques, devenu bien respectable, encensé par les autorités et les nouveaux donneurs de leçon de morale, le voir faire son entrée en grande pompe au Panthéon, il n’eût jamais osé y songer !
François Leperlier
Patrice Allain Jean Azarel Kim Andringa Jean-Marc Aubert Auxeméry Martine Baert Jacques Barbaut Stéphane Batsal François Beauvy Anne-Marie Beeckman Philippe Blondeau Jean-Marc Bourg Isabelle Bourgueil Charles-Mézence Briseul Jean-Marie Brohm Daniel Cabanis Nathalie Caritoux Francis Carpentier Philippe Chauché Jacques Cauda Jean-Paul Chavent Ivar Ch’Vavar Pierre Cohen-Hadria Vincent Courtois Carole Darricarrère Christian Degoutte Jean-Paul Dekiss Christian-Edziré
Déquesnes Dominique Dou Olivier Engelaere Jean Esponde Daniel Farioli Françoise Favretto Tristan Félix Guy Ferdinande Bruno Fern Guy Fontaine Alain Frontier Philippe Fumery Vincent Guillier Tristan Hordé François Huglo Dominique Ivart Philippe Jaffeux Marc Jimenez Alain Joubert Mathieu Jung Eiko Kuki Antoine Leperlier Patrick Lepetit Pierre Le Pillouër Véronique Loret Antoine Maine Marie-Christine Menu Stéphane Mirambeau Martine Monteau Bernard Noël Fabien Ollier F.J. Ossang Alexandre Pierrepont Anne-Marie Poucet Andoche Praudel Christian Prigent Dominique Rabourdin Laurent Robert Alain Roussel Georges Sebbag Monique Sebbag Julien Starck Lucien Suel Christine Texier Didier Trumeau Jehan Van Langhenhoven Claude Vercey
[1] cf. entre autres, A. Borer (La Croix, 15.09.2020), N. MP Meyer (Contrepoints, 14.09.2020), Collectif, Le Monde (18 sept.2020), L. Rabouille (Causeur, 19.09.2020), Christian Rioux (Le Devoir, 24 septembre 2020),D. Saint-Amand (Libération, 16.09.2020), J.-L. Steinmetz (L’humanité, 25.09.2020) , et la tribune de D. de Villepin (Le Monde , 3 octobre 2020) .
[2] Permettez ! 23 octobre 1927.
[3] Le Monde, 26 septembre 2020.
[4] « Odilon, un gamin, mais monté comme un homme » (Hombres)
« Jusqu’aux jolis tétins d’infante
De miss à peine en puberté (...) » (Femmes)
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