Bruay, Pas de Calais. Reflets bleutés des terres noires sur le ciel miroir enfumé. Nuages gris et grèges s’arrachant à la pluie translucide. Goutte à goutte sur les tuiles oranges des toits. Arc en ciel naissant. Ombre et lumière. Rayon solaire solitaire en poursuite sur les murs de briques rouges. Teinte anthracite terne des tôles ondulées. Garages abandonnés. Les mômes sortent du collège Albert Camus par grappes en criant. Bruay, Pas de Calais. Mon coeur fêlé clapote. J’écoute en vain, le souffle hypothétique de la vieille locomotive. Mais la gare est déserte. Bruay, Bruay, 2 minutes d’arrêt. Terminus sans voyageur. Mon cœur fêlé clapote au son désaccordé d’une vieille guitare. En route, mon Blues, je dois rentrer. Écoute, écoute le tempo désaccordé de mon cœur fêlé. Écoute, écoute mon Blues, je dois rentrer à Bruay, Pas de Calais. Bruay, Pas de Calais. Je m’arrête au Café des Amis sis rue Jules Guesde. Le vrai zinc populo comme tu les aimes mon bobo. Entends-tu l’écho des voix ? Ce parlé rustre et rude, ce parlé boyau rouge pur et dur, ce patois d’Artois minier, Pas de Calais. Aimes-tu ces Amis, mon bobo ? Oui, c’est sûr. Ecoute mon Blues de Bruay qui roule comme ce parlé boyau rouge pur et dur, ce patois d' Artois minier, Pas de Calais. Ecoute ce blues qui coule dans mes veines comme la bière. Bruay, Pas de Calais. Je suis seul, accoudé au comptoir avec mon blues. Coup de canon. Voici, sonné l’heure de la première pression. Le liquide d’or remplit la chope inclinée à 20°. La mousse immaculée la chapotte. Sainte Vierge ! Bois mon blues de Bruay. Bois le jusqu’à la dernière goutte. Hey l’Ami, je suis ivre désormais. En route, mon blues, je dois rentrer. Écoute, écoute le tempo désaccordé de mon cœur fêlé. Écoute, écoute mon Blues, je dois rentrer à Bruay, Pas de Calais. Bruay, Pas de Calais. Voici mon Blues et mon quartier. Dédale de briques. Architecture minimaliste. Cubes rouges identiques. Alignements parfaits. Écoute, écoute l’écho de mon Blues. Il se répercute sur la brique. Hey l’Ami, écoute le Blues des corons. Bruay, Pas de Calais. Je vogue en pirogue sur un fleuve de goudron. Écoute mon Blues du Nouveau Monde. Écoute celui d’Afrique. J’accoste les rues de Dakar, Gambie, Gabon, Canada, Etats-Unis, Patagonie. Mexique. Ecoute ce Blues qui s’agrippe à ta gorge comme le goudron d’une gitane bleue sans filtre toxique. La fumée bleue des souvenirs enveloppe les briques. Écoute mon Blues du mineur de fond. Il crache, crache sa bile dans le ruisseau comme Gavroche. La faute à Voltaire. La faute à Rousseau. La faute aux Houillères. Poussières, poussières noires des souvenirs. Écoute, l’écho roque de sa voix, sans filtre, sans souffle. Écoute mon Blues, le Blues du mineur de fond. Il meurt lentement. Son visage bleu, émacié, mangé par le masque à oxygène. Ses poumons durs comme une gaillette ou un boulet de charbon. En route, mon Blues, je dois rentrer. Écoute, écoute le tempo désaccordé de mon cœur fêlé. Écoute, écoute mon Blues, je dois rentrer à Bruay, Pas de Calais.
Carl Sonnefeld, le 18.10.2021.
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