Ilse Garnier s'est éteinte hier, lundi 17 février, six ans après Pierre Garnier (1er février 2014). Elle laisse une oeuvre considérable, de plus en plus lue, étudiée, rééditée et exposée, notamment dans les pays de langue germanique.
Nous partageons la douleur de sa fille Violette.
J'ai eu le privilège de connaître, de correspondre et de rencontrer deux fois le grand poète picard de Saisseval où il repose, au sud d'Amiens, Pierre Garnier,je n'ai hélas jamais rencontré son épouse Ilse ; sa notoriété est internationale comme en Allemagne où il a travaillé et jusqu'au Japon, il y est très prisé ! d'ailleurs je recommande le superbe coffret livres en deux volumes Japon 1 : Les Echanges & Japon 2 : À Saisseval paru en 2016 aux éditions L'herbe qui tremble qui ont fait un magnifique travail de autour d'une grande partie de l'œuvre considérable d'Isle et Pierre Garnier. Pourtant, nul n'est prophète en son pays, ce beau vraie couple de Poètes demeurent quasiment inconnu en France alors qu'ils ont inventé et développé, entre autre, la Poésie Spatialiste. La parution donc de Deux poètes face au monde - Pierre et Ilse Garnier est une chance à saisir afin de découvrir ces deux authentiques Poètes majeurs des siècles 20 et 21. Il est aussi à noter et recommander l'ouvrage : Pierre et Ilse Garnier - La poésie au carrefour des langues, paru en 20210, par Philippe Blondeau.
Mes deux souvenirs les plus forts de Pierre Garnier sont quand j'ai reçu, lu dans la foulée une lettre de lui qui était la préface de mon premier vrai livre bilingue en picard et en français, j'ai du m'assoir et j'ai pleuré ; puis encore quand à Saisseval, je l'ai vu et entendu converser avec ses perruches car cette Homme parlait vraiment avec les oiseaux.
Tous deux nés à la fin des années 20, Pierre et Ilse Garnier sont mondialement connus, sauf en France où ils vivaient… Il était temps que cesse cette injustice et telle est l’ambition de ce livre réunissant diverses études, tant sur la poésie spatiale, qui associe texte et image, que sur la poésie plus conventionnelle, dite « linéaire ». L’histoire de la poésie dans la seconde moitié du XXe siècle est réévaluée dans cette perspective. Des passerelles existent entre la postérité de l’École de Rochefort et les avant-gardes issues de la seconde guerre mondiale.
Ilse était restée jusqu’ici un peu dans l’ombre de son mari. Elle est la grande révélation de ce livre, personnalité autonome tout en demeurant proche de Pierre. Après la mort de ce dernier en 2015, une intense activité s’est déployée autour du couple (expositions, archivages, publications de textes introuvables, création d’une Société des Amis de Pierre et d’Ilse Garnier…). Cet ouvrage accompagne ce mouvement de reconnaissance d’une réflexion sur la créativité conjointe et disjointe chez ces deux artistes aussi bien plasticiens qu’écrivains au sens strict, entre stimulation réciproque, exercice d’admiration et de réconciliation, rivalité et désir d’indépendance. D’où il ressort une immense joie poétique…
Entre la Picardie et l'Allemagne il y a l'oeuvre de Pierre et lise Garnier, un couple de poètes qui habitent Saisseval, un village à l'ouest d'Amiens. Loin des drames de l'histoire, dont ils gardent malgré tout des échos, le français et l'allemand résonnent heureusement dans cette oeuvre commune, dont la remarquable unité se construit dans la pluralité des langues. Né en 1928 à Amiens, Pierre Garnier est étudiant en Allemagne après la guerre. Il y écrit ses premiers poèmes. En 1950, c'est une étudiante allemande qu'il retrouve à Paris et avec qui il partagera désormais sa vie et son oeuvre, laquelle doit beaucoup à cette double rencontre. Hasard ou revanche de l'Histoire, c'est donc au carrefour tragique où se sont affrontées les civilisations française et allemande que naît la poésie la plus internationale, la poésie spatiale qui, dans les années soixante, sous l'impulsion de Pierre Garnier, s'attache à inventer une nouvelle langue poétique. Le présent recueil s'ouvre sur la question de la " langue maternelle ", à laquelle fait écho la question du temps. Depuis la langue picarde des racines jusqu'à la langue polyphonique des multiples rencontres, on suivra le parcours cohérent d'une poésie qui construit peu à peu son unité ; d'abord à travers la rencontre de la langue allemande - langue autre et langue de l'autre, car les oeuvres de Pierre et Ilse Garnier ont ceci de particulier qu'elles sont à la fois deux oeuvres distinctes et une oeuvre commune - puis à travers la découverte des potentialités de l'espace et de la matière linguistique, enfin à travers le rêve d'une langue poétique universelle qui engloberait la totalité du temps et des pans entiers de l'Histoire. L'idée de carrefour prend donc ici tout son sens. La poésie spatiale n'est pas un laboratoire fermé, mais un espace ouvert où les échos des langues se croisent ou se mêlent : plus qu'une langue de l'espace, la poésie spatiale nous révèle l'espace de la langue.
Ilse Garnier - Fensterbilder
"Les Fenêtres", feuilles de grand format en teintes grises, un "livre d'heures' : la vue par la fenêtre s'ouvre aux vingts-quatre heures du jour et aux événements de ces heures, mais le conteur de la fenêtre d'un blanc lumineux n'encadre pas une séquence du monde, il est le cadre d'un événement poétique qui prend ici sa forme."
- 4iéme de couverture de l'ouvrage paru en 2010
aux éditions : L'herbe qui tremble.
la musique, la poésie, l'art en général
sont avant toutes choses des richesses qui se partagent,
j'échange ce superbe livre d'Ilse Garnier
contre autre(s) livre(s), disques (s)
ou autre(s) chose(s)... ... si vous êtes intéressé,
j'attends votre proposition via ===>
===> christian.dequesnes@sfr.fr
BONUS
l'hommage au Grand Poète Picard Pierre Garnier, en présence de ce dernier,
Tout d'abord signaler l'existence de cette excellente et superbe revue, unique dans son genre Le PAPOTIN qui est dans sa 29e année et une création permanente de jeunes autistes de l'hôpital de jour d'Antony et qui avec le dernier n°36 en date, outre un remarquable dossier sur Robert Doisneau propose 14 interviews surprenantes, réalisés par des jeunes autistes, de diverses personnalités Féfe, Mc Solar, Broken Back, Maïlena Biraben, Sébastien Folin, Ibrahim Maalouf, Exposition "Autisme Regards", Robert Renucci, Bernard Jomier, Roshdy Zem, Leïla Bekhti, Vincent Cassel, Moustic, Philippe Charnel. Une Grande Revue !
Contacts : Le Papotin fenêtre sur la ville, 37 avenue Léon Jouhaux - 92160 Antony
'phone : 01 46 66 80 95 - E mail : lepapotin@wanadoo.fr - www.lepapotin.org
Signalons aussi que de par la dynamique qui traverse l'hôpital de jour d'Antony, l'existence du groupe de "rock" Les Harry's" [ils ont déjà réalisé un cd] dont les membres sont des artistes musiciens tous autistes et qu'ils sont épaulés par Julien Bancilhon qui est par ailleurs l'un des trois piliers du label : LA BELLE BRUTE à qui l'on doit la réalisation et la parution des deux incroyables albums de Jean Marie Massou mais NOUS aurons l'occasion de revenir sur tout CELA lors d'un dossier très complet mais, déjà, NOUS pouvons vous informer qu'un film écrit et joué par/avec Jean Marie Massou est sur les rails... À suivre donc...
DU SURFIGURATIF ET DU SURROMANTISME
BLEUNUIT [ACQUES CAUDA / CHRISTIAN EDZIRÉ DÉQUESNES] ENTRETIEN CROISÉ AVEC ALAIN MARC réalisé en mars 2018.
AM _ Vous utilisez tous les deux la préposition « sur » pour
qualifier votre démarche esthétique, picturale pour l’un et littéraire pour l’autre
: pouvez-vous expliciter en quoi votre démarche se situe “au dessus”, “au
dessus” de quoi ?
JC _ Hypothèse. SURfiguration. Quel sens donner à ce
« sur » ? S’agit-il de l’emporter sur la figuration ou d’indiquer
une origine, de se baser sur… ? Surfigurer est à entendre tel qu’on
entendait figurer au XVème siècle : « Décrire un détour hors de la ressemblance et la
désignation, entrer dans le domaine paradoxal de l’équivoque et de la
dissemblance ». Il s’agit bien d’une origine dont il faut renforcer l’origine.
C’est le sens indiqué par ce « sur » venu du latin super. En fait (et en droit) il faut
lire: Superfiguration !
Démonstration. Aujourd’hui
que le réel est dans un rapport de stricte égalité avec le visible, rien n’existe
en dehors de son image. Aussi la peinture ne saurait avoir d’autre objet que le
déjà-vu et d’autres exigences que de l’interroger.
Peindre le déjà-vu ne revient-il
pas à le maintenir par dessus le monde des images par le signe efficace de sa
propre destruction ?
Dans la peinture, l’absence du
peintre n’apparaît-elle pas comme une empreinte dans laquelle le spectateur
peut glisser ses pas, alors que le photographe ne manque jamais à la
photographie qui est la preuve de sa présence omnipotente dans laquelle le
spectateur vient buter comme contre un mur ?
Peindre le déjà-vu, c’est se
délivrer des clefs qui ouvrent la représentation. Et surfigurer, c’est redonner
une figure au monde par le trou que fait la peinture dans cette image que le
réel a pris pour seul modèle, et à qui elle se substitue.
Enfin, pour répondre plus
ouvertement au sur en question,
faut-il préciser qu’il ne s’agira nullement de surveiller (ni punir) mais de créer la surprenance, pour dire la surprise
autrement, de voir surgir le peint (et
le vin) au surcroît de la
figure ?
Conclusion (à suivre).
CED _
Ma démarche n’est pas qu’une posture “artistique” ; c’est toute une attitude de
vie, à (sur)vivre dans la/les (sous)vie(s) qu’ "ils" nous imposent.
Ce qui me plait dans l’époque chez les auteurs du vrai romantisme, c’est dans
leur époque de transformation, de mutation, leur questionnement : « Qui
suis-je ? Où vais-je ? Dans quel état j’erre ? ». Hors, au début des
années 2000, j’ai pris conscience que ce qui me taraudait l’esprit et me
poussait à écrire mais aussi faire mes fanzines et revues-zines underground
depuis le début des années 80’s, c’était en quelque sorte pour d’une manière
concrète, active, dans l’action répondre à cette question des vrais romantiques
mais pas au niveau du je personnel mais du NOUS car dans la fin du siècle 20 et
le début du 21, la question fondamentale, dans notre époque de mutation et de
(d)évolution post-apocalyptique pour l’Humanité, est : « Qui sommes-nous ?
Où allons-nous ? Dans quel état nous errons ? ». Alors je me suis dit que
c’était surromantique mais pas au sens d’être au dessus de l’authentique
romantisme mais à côté de lui, comme lui mais dans un contexte global d’amplification
des ampleurs des aggravations de toutes sortes qui font de NOUS des
sous-vivants, et je pense à cela d’un coup, alors que les vrais romantiques
étaient des sur-vivants. Notre Humanité, en 2018, est sous-vivante, réellement
sous-vivante à tous les niveaux… Alors c’est ce que j’essaye de restituer dans
mon écriture que je la désire le plus possible la moins alignée possible à
quelque mouvement que ce soit. Alors surromantique pourquoi pas car il faut
(ré)inventer mais nous pourrions tout aussi bien énoncer sousromantique, ne
faut-il pas creuser sous ce qui existe pour nous élever, nous surélever plus
fort que l’amplification des ampleurs des aggravations et de tous ces concepts
virtuels qui ne sont que du discours, ce que je nomme de la dé-pensée, pour
masquer les vides de la modernités. CELA a aussi à voir avec ce que je nomme
BleuNUIT, le Blues en somme ; dans la communauté du blues, des authentiques
bluesmen, l’Homme ‘je’ composait et chantait la communauté des Hommes, le NOUS,
pour le NOUS dans le bourbier de la société du progrès. Les premiers bluesmen
sont les premiers surromantiques et les derniers authentiques d’aujourd’hui
sont pour cela précieux à mes yeux. Tout CELA peut paraître confus mais je vais
confiance aux questions suivantes pour préciser ma pensée. En tout cas pour moi
c’est une réalité et un besoin profond de survie individuelle & collective.
Si je continue à sous-vivre, c’est pour la sur-vie collective.
AM _ Vous vous appréciez l’un l’autre, pouvez-vous dire, avancer, ce qui
vous attire et vous séduit l’un et l’autre dans la démarche de l’autre ?
Quelles similitudes voyez-vous entre vos deux démarches ?
JC _ En tout premier lieu (à considérer une langue comme une
toponymie) c’est le picard qui me guida vers Christian. J’venouos ed Paris, eune ville où chés neurmèles sont des merles, chés
aïauts des jonquilles, éch maristér un instituteur et chés vagances des
vacances. Des vagances d’été que je passouos chez pépère et mémére. Et où j’apprenais
le picardqui fut le premier trait d’union
entre Christian et moi. Je ne le connaissais que de nom, parce qu’il figure
dans ce livre magique de Ivar Ch’Vavar, Cadavre
Grand m’a raconté, comme grand barde braque de la GPM, Grande Picardie
Mentale. Mon œil (intrigué) y avait immédiatement suivi le relent secret du
long cotron de Belphégor dont il parle. Le jupon (cotron en picard) des femmes fait souvent un excellent signe (de
ralliement).
Et puis nous nous sommes
rencontrés. Une première fois, avec toute la magie (la musique et le parfum)
des premières fois. Il est venu à l’atelier et nous nous sommes tout de suite
aimés. Christian est vrai. Et la vérité jette, lorsqu’elle est à
certain carat, une manière d’éclat auquel on ne peut résister, comme l’a
écrit le cardinal de Retz.
Il est vrai parce qu’il est
invraisemblable. Écrire en picard passe encore mais chanter ! Chanter le
blues, le blues en Somme département n°80,===>[https://christian-edzire-dequesnes.bandcamp.com/], le silicose blues, le
Bleuse-Berdhoùle-Bércq-Blues. Chanter les Éclichures dech’l’évidinche, c’est-à-dire
un hommage à Rimbaud. Rimbaud, n’est-ce pas… Un autre point que nous avons en
commun. Tous les mots d’Arthur. « Aujourd’hui
c’est la ducasse, je suis allé chercher Rimbaud à la cave. » Et
Francis Bacon. Qui se trouve entre nous comme un escargot laissant une trace de présence humaine… Et Konrad Schmitt,
qu’il m’a fait découvrir.
- Couverture, dessin de Konrad Schmitt de la seconde Edition de
CADAVRE GRAND m'a raconté...
Depuis une troisième édition avec des auteurs et texte supplémentaires
est parue et disponible aux éditions Le Corridor Bleu/Lurlure.*
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QUAND LE TEMPS EXPLOSERA... [extrait]
Quand le temps explosera, ma poitrine s'ouvrira.
un fantôme m'apparut dans sa latéralité la plus pénétrante.
mes amis, vous discutez entre les dents.
quand la réalité passe dans l'image.
une œuvre est dite déchirante.
c'est un moment de plain-pied.
droit, dans une clarté providentielle...
Konrad Schmitt.
Il est vrai & il est amour.
Ce mot dit tout. Tout Christian Edziré Déquesnes. Chez lui, amour, délice et
orgue sont toujours au pluriel. Nous, dit-il, quand il parle de lui. Ce
« nous » si difficile à vivre aujourd’hui que nos contemporains sont
tassés, usés, tristes employés du temps
vieillissant sans phrases…
Nous : ne serions-nous que Christian & moi, que ce serait
déjà beaucoup ! Et à ce Nous, je joins notre Sainte-Eulalie et notre
Pierre Garnier.
CED _ Là, je désire d’abord évoquer que
je ne le connais que depuis peu en fait et qu’il y a encore moins d’un an je
ne savais absolument rien de lui, ni du surfiguratif (jamais entendu parlé
de CELA), je ne connaissais absolument pas son nom. C’est un Camarade du net,
Pierre Lepère, qui m’a permis de le découvrir ; Pierre connaissant ma
passion pour Charles Mingus m’a transmis un portrait fantastique de ce dernier
par Jacques Cauda et j’ai été subjugué car dans ce tableau il y a tout ce qui
fait que j’adore la Musique et l’œuvre de Charles Mingus… (pour moi il est le
plus grand des jazz-men et bien au-delà du jazz… du sur-jazz en somme et je ne
vois que Duke Ellington à mettre le jazz à ce sur-niveau là, bref…) … et de
suite j’ai pensé à Francis Bacon dont je me souvenais qu’il dit dans un
entretien à Leiris, Deleuze ou Archambaud mais peu importe qu’il est de dernier
des peintres figuratifs et je pense que CELA est bien vrai mais devant ce
portrait, plein de la puissance et du feu intérieur de Mingus, je me suis dit instinctivement
on pourrait croire que c’est de la peinture figurative mais c’est autre chose,
c’est une autre dimension…
puis j’ai découvert d’autres portraits de Jacques
Cauda, principalement des jazz-women & men, et son discours sur le
surfiguratif à propos de sa démarche picturale et CELA m’a parlé surtout qu’il
annonce qu’il travaille essentiellement à partir de photographies (Bacon s’inspirait
d’ailleurs déjà de la sorte mais pour un tout autre résultat), de
représentations déjà existantes mais pour restituer de manière picturale l’énergie
interne du modèle en allant dans un surpassement de l’image, du virtuel et CELA
me parle beaucoup cette notion de surpassement, de débordement pour donner à
appréhender l’intérieur de l’humain, de l’humanité des êtres et c’est ce que j’essaye
de développer en essayant d’écrire avec cette notion dont j’écrivais tantôt à
une amie « … demeurer dans la
figuration des choses, des éléments mais que l’essentiel soit au-delà des
mots, à peine perceptible par les mots, les couleurs à proprement parler…
que l’essentiel, L’ÉMOTION, Le SENTIMENT, LA VIBRATION DU VÉCU soit dans l’invisible
de la Musique des mots et des couleurs… C’est un peu de la sorte que je
conçois l’écriture surromantique… … qui n’a rien à faire du
surréalisme (que je respecte néanmoins)… … je ne suis et ne serais
jamais un surréaliste. » Mais je ne suis pas un théoricien, un
conceptualisateur, j’énonce tout CELA de manière instinctive et je dis au
lecteur d’y aller voir, lire lui-même…
…
Puis j’ai échangé avec Jacques Cauda, il m’a envoyé un texte remarquable qu’il
a écrit en picard, je suis allé le rencontrer à son atelier et j’ai découvert
que j’étais avec un Homme et un artiste qui a déjà une sacré réputation
pourtant il reste d’une humilité et simplicité rare, voir déconcertante. Puis
comme l’on dit, le courant est vraiment passé entre nous alors que faudrait-il
que j’ajoute de plus ? Qu’il écrit aussi de la poésie, des nouvelles et même qu’il
y a un roman Comilédie de lui et qu’à
la lecture de tout CELA, je crois que l’on est dans cette dimension, cette
notion de surromantisme et de surfiguratif mêlés… OUI ! Je pense tout CELA
parce que je le vis, ressens avec passion et jubilation.
AM _ Pour en revenir au surfiguratif, il me semble que l’on peut partir
dans deux directions, aussi bien celle de la surcouche, de la couche au dessus,
de la peinture, c’est-à-dire de la matière, de la technique que tu emploies, tu
l’as très bien expliqué dans l’entretien que te consacre le site ARTactif[1], que de la
transfiguration de la figure, de l’image que tu mets en œuvre. Concernant le
surromantisme bleuNUIT il faut évidemment voir le mot de « bleu »
comme se rapportant au blues, c’est-à-dire de la grande mélancolie du premier
blues que tu aimes tant. Mais tu viens de le dire. Par contre, aujourd’hui, considérerais-tu toute ta
démarche depuis que tu as commencé, que ce soit tes compositions musicales, tes
textes ou tes collages, de surromantisme bleuNUIT ?
JC _ À ta double question, je redonne ici la réponse faite, en
effet, sur art actif : « L’image montre tout. C’est le produit d’un
œil industriel. […] Toute figure est déjà une surfigure » [relire la citation entière sur le site
ARTactif]. La peinture se couche sur l’invisible. Et quand elle
transfigure la figure, c’est qu’elle couche avec lui.
Quant à l’image (je rappelle que
la peinture n’est pas – seulement – une image), elle fait écran à cet
accouplement. Elle souhaite avant toute chose masquer ce qui se joue là, entre
un peintre et la peinture.
Je le dis autrement dans un roman
(qualifié de pornographique, évidemment) intitulé OObèse qui vient de
paraître chez Z4 éditions.
Elle s’assoie face à moi sur le lit.
Je regarde son sexe un instant.
Nous trinquons.
- Qu’est-ce que tu fais dans la vie, Paul ?
- Je suis peintre.
- T’es pas flic ?
- Si. Aussi.
- Peintre et flic ça ne va pas ensemble.
- Tu as raison. En revanche, art contemporain et flic c’est
quasiment synonyme.
- Il est chargé d’arrêter qui, l’art contemporain ?
- Le désir ! C’est-à-dire la peinture. Surtout quand elle
est bonne. Comme toi, Nat’.
- Alors pourquoi t’es peintre ?
- Parce que je suis un flic tordu.
- Et un flic qui bande !
- C’est pour ça que je suis peintre.
- L’art contemporain ne bande pas ?
- Non. Il fait débander.
- Pourquoi on continue à en faire alors ?
- Pour ne pas avoir d’ennui.
- Avec qui ?
- Avec tout le monde.
- Je ne sais pas qui c’est « tout le monde ».
Image… Art contemporain… c’est du
pareil au même, n’est-ce pas !
Il devient possible (avec l’invention
de la photographie) de réduire l’apparition du moi à celle de la mouche.
L’image, cette odieuse laideur,
dont le monde ne peut plus se passer, « nous nous surprenons à courir
absurdement – les yeux tout à coup devenus troubles et chargés d’inavouables
larmes – vers quelques provinciales maisons hantées, plus vilaines que
des mouches, plus vicieuses, plus rances que des salons de coiffure. » G.
Bataille, revue Documents IV.
Manet : « La peinture est un cercle, on est dedans ou
dehors, au hasard de la naissance. » Je suis né en 1955. Tout le monde
allait bientôt être dehors. Je dis bien tout le monde. Surfigurer fut de
retracer un cercle à mon usage. Un cercle très fermé.
CED _ OUI ! Ce bleuNUIT c’est
la nostalgie du blues premier mais ce n’est pas une nostalgie désespérée,
surtout pas juste de la désespérance, c’est au contraire une énergie de force
brute pour aller de l’avant… Comme me l’a révélé Arno Hintjens, dans les années
80’s, « c’est du négatif et du positif ensemble, c’est physique !
+ & - CELA donne de l’électricité et c’est de la VIE ! Et, moi, j’aime la
vie… ». Donc, le blues n’a rien de mortifère ! C’est la
célébration du pourquoi nous sommes, là, vivant ici et maintenant ; et c'est d'ailleurs, je crois, ce que NOUS avons su restituer avec le recueil PLATS DU JOUR que NOUS avons composé à quatre mains Francis Carpentier et moi.
Puis le
blues ce n’est juste pas que la Musique du peuple des noirs d’Amérique du Nord,
c’est aussi l’Irlandais qui est loin de ses racines et qui en regardant une
mer, un océan, un horizon, une femme, un enfant, un autre homme… se
murmure « I’m blue », je suis bleu… Aujourd’hui,
Jacques Cauda m’a écrit que « Ton bleu est rouge ! Parce que tu
as le blues dans le sang » mais toute l’Humanité a cela dans le
sang...
Pour la
deuxième partie de ta question, si je suis surromantique depuis le début, est-ce
à moi de vraiment répondre à CELA ? Mais que je pense que OUI ! Depuis
toujours, même si au tout début c’était totalement inconscient, enfin je le
vivais mais spontanément, sans mettre de mot dessus… Puis le terme surromantique,
l’expression surromantique bleuNUIT sont apparus dans mes écritures dans le
milieu de la première décennie du siècle 21 et j’ai de plus en plus essayé d’écrire
de manière à tirer tant vers la forme que dans le fond dans la direction, le
sens d’exprimer CELA et de le partager avec autrui car pour moi c’est
terriblement en résonance avec notre époque, nos temps effroyablement
incertains.
AM_mon côté, j’ai avancé l’idée d’une écriture du cri, non pas du cri, brut, mais du cri écrit.
Et j’applique cette notion aussi bien à la littérature qu’à toute forme d’art.
Il me semble que vos deux démarches en répondent également : qu’en
pensez-vous, vous reconnaissez-vous dans cette notion ?
JC _ À l’évidence, nous sommes de cette même race d’êtres portés
par la fulguration, par ce qui explose, par ce qui envahit la nuit, par ce qui
se livre au délire de l’univers, par ce qui va jusqu’au bout de la chute,
par ce qui tourne au vertige, par ce qui parce que le cri.
Un léger pas de côté chez moi qui
ajoute à la souffrance l’expression de la joie (cri de) : joie joie joie pleurs
de joie… Certitude, certitude, sentiment, joie, paix, Dieu de Jésus Christ qui
s’écrira Jésus Cri. Ne serait-ce que pour complaire à James Ensor et à son Entrée
du Christ à Bruxelles. Il y réaffirme le lien sacré qu’il y a entre la
figure du C(h)ri(st) et la peinture, entre le Verbe (l’écrit comme la chair) et
la lumière.
Pour conclure, je livre ici mon
Don Angelo, que je viens de peindre. Il s’inspire du Cri qui destitue l’ordre
social, l’ordre des choses et l’ordre des dieux. C’est une bouche à feu d’où
jaillit le son noir des matelots embarquant pour Cythère et gagnés par l’ivresse.
CED_ En effet, Alain, je m'y reconnais et CELA depuis le début de notre première rencontre à Arras, il a plus de vingt ans, la découverte & la lecture de ton livre/essai Écrire le cri qui demeure pour moi une référence en la matière.
OUI ! ECRIRE LE CRI TOTAL & BIEN AU DELÀ DU GRAND SILENCE BLANC DE LA MORT.
Oui ! Écrire le CRI TOTAL et bien au delà du grand silence blanc de la mort donc non pas seulement Brut. Le CRI a pour moi directement
à voir avec la Vie, la SUR-VIE et en corps la SOUS-VIE…
Crier, éCRié, éCRIre,
CRIé (on devrait éCRIre, CRIer, CRIéation non ?), c’est Vivre ! En corps Vivre
! C’est cette énergie là qui m’intéresse. CELA a à voir aussi a ce qui me
touche dans le Blues, la peinture de Francis Bacon, celle de Jacques Cauda… La
Création, c’est la VIE… La Mort ne crée RIEN, un mort ne crée rien, ne crée
plus ! Et si il y a création de par la mort, des morts, c’est par le, les
souvenir(s) de par le, les Vivant(s) qui sont là, ici et maintenant… c’est l’énergie
de par le spirituel incarné aux vivants… c’est la CRIEATION ! Et bien sûr CELA
a à voir avec le surfiguratif et le surromantisme bleuNUIT mais tout CELA je le
livre spontanément, instinctivement et je tiens à l’écRiéature, là, de CELA.