« On a affaire aujourd’hui à un autre type de révolution que les révolutions historiques qui nous ont précédées — une révolution véritablement anthropologique : celle d’une perfection automatique de l’appareil technique et d’une disqualification de l’homme, dont il n’a même plus conscience. Au stade hégémonique de la technique, qui est celui de la puissance mondiale, l’homme perd non seulement la liberté, mais l’imagination de lui-même. Il se retrouve dans un chômage qui dépasse de loin celui du travail, un chômage mental et existentiel, par substitution de cette machinerie qui le domine. » « Stade ultime d’un monde qu’on a renoncé à interpréter, à penser ou à imaginer, pour le réaliser, pour l’instrumentaliser objectivement. (…) C’est un monde qui n’a plus besoin de nous. Le meilleur des mondes n’a plus besoin de nous. (…) Dessaisissement de l’homme et de sa liberté. Disqualification de l’homme au profit d’un automatisme, d’un transfert massif de décision sur l’appareil de calcul informatique. Capitulation symbolique, défaite de la volonté, beaucoup plus grave que n’importe quelle défaillance physique. » « Là où ne fonctionnent plus ni le contrat traditionnel, ni le pacte symbolique ni l’universel, ni le particulier, se noue brutalement une forme qui a tout d’un complot, au sens où tout le monde en est involontairement complice – mais dont le partage ne repose sur rien, sur aucune valeur, sinon celle d’une autodéfense délirante, répondant à une perte d’immunité totale de l’imaginaire. Car, en fait, le virus est une « cosa mentale », et si la contagion peut être aussi foudroyante, c’est que les immunités mentales, les défenses symboliques sont depuis longtemps perdues. C’est sur cette liquidation que peut s’installer un espace panique, dont fait partie à un autre titre, tout le système informatique mondial, système de réseaux et de diffusion instantanée – un espace non-euclidien, là aussi, où toutes les contre-mesures rationnelles, préventives, prophylactiques se retournent presque automatiquement contre elles-mêmes par leur excès même. La sécurité elle-même devient le meilleur medium de la terreur. »
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