dimanche 3 décembre 2023

Et un orchestre jouait "Waltzing Matilda" d'Eric Bogle - Eric Bogle (né le 23 septembre 1944) est un chanteur et auteur de chansons faustralien né à Peebles en Écosse, il a émigré en Australie en 1969. Il vit actuellement près d'Adélaïde, en Australie-Méridionale.


Quand J'étais jeune, je trimballais mon sac
et je vivais la vie libre d'un vagabond, 
du bassin vert de Murray jusqu'à l'arrière-pays poussiéreux,
j'ai trimballé mon balluchon1
Et puis, en 1915, mon pays m'a dit : « Fils,
il est temps d'arrêter les promenades, on a du boulot. »
Alors ils m'ont donné un casque plat et un fusil
et ils m'ont envoyé à la guerre.
 
Et l'orchestre jouait "Waltzing Matilda" 
alors que le bateau quittait le quai,
et au milieu des hourras, des drapeaux et des larmes,
on a mis le cap sur Gallipoli. 
 
Et je m'en souviens si bien, de ce jour affreux
où notre sang a souillé le sable et l'eau ;
et comment dans cet enfer qu'on appelle la baie de Suvla
on nous a massacrés comme des agneaux à l'abattoir.
Ces salauds de Turcs nous attendaient, bien préparés ;
ils nous ont arrosés de balles, fait pleuvoir les obus,
et nous ont envoyés en enfer en moins de cinq minutes,
ils nous ont presque reconduits jusqu'en Australie.
 
Mais l'orchestre jouait « Waltzing Matilda »
quand on s'est arrêtés pour enterrer nos morts.
Alors on a enterré les nôtres, et les Turcs les leurs,
et puis ensuite on a remis ça.
 
Et ceux qui restaient, ils essayaient juste de survivre
dans ce monde fou de sang, de mort et de feu.
Et pendant dix semaines épuisantes j'ai pu survivre
alors que les corps s'entassaient autour de moi.
Et puis un gros obus turc m'a envoyé bouler,
et quand je me suis réveillé sur mon lit d'hôpital
et que j'ai vu ce qu'il avait fait de moi, j'ai voulu être mort.
Je n'aurais pas cru qu'il y avait des choses pires que mourir.
 
Parce que je ne traîne plus mon balluchon
sur les collines, libre comme l'air.
Pour trimballer une tente, il faut ses deux jambes,
« Waltzing Matilda » pour moi c'est fini.
 
Alors ils ont rassemblé les infirmes, les blessés, les estropiés,
et ils nous ont renvoyés en Australie.
Ceux qui avaient perdu un bras, une jambe ou la tête,
tous ces fiers héros blessés de Suvla.
Et alors que le bateau allait accoster,
j'ai regardé à l'endroit où étaient mes jambes,
et j'ai remercié Dieu que personne ne m'attende
avec sa douleur, ses larmes et sa pitié.
 
Mais l'orchestre jouait « Waltzing Matilda »
pendant qu'ils nous portaient sur la passerelle,
mais pas de hourras, ils nous fixaient juste, immobiles,
et puis ils détournaient leur regard.
 
Et maintenant, tous les ans, en avril, je m'assois
et je regarde le défilé passer devant chez moi.
Et je vois mes vieux camarades marcher si fièrement,
réveillant de vieux rêves de gloires passées.
Et ces vieux marchent lentement, tout perclus,
ce sont les héros fatigués d'une guerre oubliée.
Et les jeunes demandent : « Pourquoi est-ce qu'ils défilent ? »
et cette question, je me la pose aussi.
 
Mais l'orchestre joue « Waltzing Matilda »,
et les vieillards répondent encore à l'appel,
mais au fil des ans, toujours plus disparaissent.
Un jour, plus personne ne défilera du tout.
 
Waltzing Matilda, Waltzing Matilda.
Qui viendra danser sur cet air avec moi ?
Et on entend leurs fantômes défiler le long de la berge
qui viendra trimballer son balluchon avec moi ?
 
  • 1. "Waltzing Matilda" est la chanson la plus populaire d'Australie et, en plus de faire danser Mathilde, le titre peut se comprendre comme "un balluchon qu'on trimballe".
  • Ecrite par Eric Boggle, Waltzing Matilda est l'une des chansons les plus populaires en Australie. 
  • Elle raconte l'histoire d'un swagman (saisonnier) que l'on envoie à la guerre. 
  • En Australie, le Swagman ne transporte qu'un baluchon (le tucker bag), une bouilloire (la billy) et une couverture dans laquelle il s'enveloppe la nuit, la fameuse Matilda. Ce nom affectueux lui a été donné car elle est le seul réconfort du swagman lors d'un bivouac, après une journée de labeur ou un long périple. Il porte sa Matilda roulée, suspendue à son dos où elle se balance (waltzing) au rythme régulier de la marche. 

vendredi 24 novembre 2023

CLAIR DE TERRE - 4 poèmes d'ANDRE BRETON, rappel-anniversaire du recueil de CLAIR DE TERRE, paru en 1923, proposé par Ivar Ch'Vavar. Illustration sonore avec une lecture d'Alice Lewis.

 


Clair de terre 

 Ivar Ch’Vavar, 22 novembre 2023.

Chers Amis, Camarades,

on fête ces jours-ci le centième anniversaire de la parution de Clair de terre, d’André Breton, paru en novembre 1923. Je me suis procuré ce livre en janvier 1967, premier contact avec Breton. Allaient suivre Nadja, les manifestes, Les Pas perdus, l’Anthologie de l’humour noir...

Beaucoup de filles et de garçons de ma génération ont été marqués par ces livres. – Je ne vous sers pas le couplet sur l’image qu’on donne aujourd’hui de Breton...

On fête cet anniversaire ? Je le fête, en tout cas, en vous adressant quelques pages du livre.

Bien fraternellement,

Ivar


Le Buvard de Cendre

Racoleur paradis n’est pas perdu

Plutôt La vie

Tournesol

 

LE BUVARD DE CENDRE

 

à Robert Desnos

 

Les oiseaux s’ennuieront

 

Si j’avais oublié quelque chose

 

Sonnez la cloche de ces sorties d’école dans la mer

Après Jésus-Christ que nous appellerons la bourrache pensive

 

Sur commence par donner la solution du concours

Un savoir combien de larmes peuvent tenir dans une main de femme

1° aussi petite que possible

2° dans une main moyenne

 

Tandis que je froisse ce journal étoilé

Et que les chairs éternelles sont entrées une fois pour toutes en possession du sommet des montagnes

J’habite sauvagement une petite maison du Vaucluse

 

Cœur lettre de cachet


 

TOUT PARADIS N’EST PAS PERDU

 

à Man Ray

 

Les coqs de roche passent dans le cristal

Ils défendent la rosée à coups de crête

Alors la devise charmante de l’éclair

Descendre sur la bannière des ruines

Le sable n’est plus qu’une horloge phosphorescente

Qui dit minuit

Par les bras d’une femme oubliée

Point de refuge tournant dans la campagne

Dressée aux approches et aux reculs célestes

C’est ici

Les tempes bleues et dures de la villa baignent dans la nuit qui décalque mes images

Chevelures chevelures

Le mal prend des forces tout près

Seulement voudra-t-il de nous


PLUTOT LA VIE

 

 

Plutôt la vie que ces prismes sans épaisseur même si les couleurs sont plus pures

Plutôt que cette heure toujours couverte que ces terribles voitures de flammes froides

Que ces pierres blettes

Plutôt ce cœur à cran d’arrêt

Que cette mare aux murmures

Et que cette étoffe blanche qui chante à la fois dans l’air et dans La Terre

Que cette bénédiction nuptiale qui joint mon front à celui de la vanité totale


Plutôt la vie

 

Plutôt la vie avec ses draps conjuratoires

Ses cicatrices d’évasions

Plutôt la vie plutôt cette rosace sur ma tombe

La vie de la présence rien que de la présence

Où une voix dit Es-tu là où une autre répond Es-tu là

Je n’y suis guère hélas

Et pourtant quand nous ferions le jeu de ce que nous faisons mourir

Plutôt la vie

 

Plutôt la vie plutôt la vie Enfance vénérable

Le ruban qui part d’un fakir

Ressemble à la glissière du monde

Le soleil a beau n’être qu’une épave

Verser peu que le corps de la femme lui ressemble

Tu songes en contemplant la trajectoire tout du long

Ou seulement en fermant les yeux sur l’orage adorable qui a nom

Ta Main

Plutôt la vie

 

Plutôt la vie avec ses salons d’attente

Lorsqu’on sait qu’on ne sera jamais introduit

Plutôt la vie que ces établissements thermaux

Où le service est fait par des colliers

Plutôt la vie défavorable et longue

Quand les livres se refermeraient ici sur des rayons moins doux

Et quand là-bas il ferait mieux que meilleur il ferait libre oui

Plutôt la vie

 

Plutôt la vie comme fond de dédain

Un cette tête suffisamment belle

Comme l’antidote de cette perfection qu’elle appelle et qu’elle craint

La vie le fard de Dieu

La vie comme un passeport vierge

Une petite ville comme Pont-à-Mousson

Et comme tout s’est déjà dit

Plutôt la vie

 

 


TOURNESOL

 

à Pierre Reverdy

 

La voyageuse qui traversa les Halles à la tombée de l’été

Marchait sur la pointe des pieds

Le désespoir roulait au ciel ses grands arums si beaux

Et dans le sac à main il y avait mon rêve ce flacon de sels

Que seule a respiré la marraine de Dieu

Les torpeurs se déployaient comme la buée

UA Chien qui fume

Où venaient d’entrer le pour et le contre

La jeune femme ne pouvait être vue d’eux que mal et de biais

Avais-je affaire à l’ambassadrice du salpêtre

Ou de la courbe blanche sur fond noir que nous appelons pensée

Le bal des innocents battait son plein

Les lampions prenaient feu lentement dans les marronniers

La dame sans ombre s’agenouilla sur le Pont au Change

Rue Gît-le-Cœur les timbres n’étaient plus les mêmes

Les promesses des nuits étaient enfin tenues

Les pigeons voyageurs les baisers de secours

SE joignaient aux seins de la belle inconnue

Dardés sous le crêpe des significations parfaites

Une ferme prospérait en plein Paris

Et ses fenêtres donnaient sur la voie lactée

Mais personne ne l’habitait encore à cause des survenants

Des survenants qu’on sait plus dévoués que les revenants

Les uns comme cette femme ont l’air de nager

Et dans l’amour il entre un peu de leur substance

Elle les intériorise

Je ne sont le jouet d’aucune puissance sensorielle

Et pourtant le grillon qui chantait dans les cheveux de cendre

ONU soir près de la statue d’Étienne Marcel

M’a jeté un coup d’œil d’intelligence

André Breton a-t-il dit passe


lundi 6 novembre 2023

L' agonie de la puissance (choix de phrases de Jean Baudrillard (1926 - 2007) par B.W.) - Photo de François Trinel et illustration musicale : Nino Ferrer.

« On a affaire aujourd’hui à un autre type de révolution que les révolutions historiques qui nous ont précédées — une révolution véritablement anthropologique : celle d’une perfection automatique de l’appareil technique et d’une disqualification de l’homme, dont il n’a même plus conscience. Au stade hégémonique de la technique, qui est celui de la puissance mondiale, l’homme perd non seulement la liberté, mais l’imagination de lui-même. Il se retrouve dans un chômage qui dépasse de loin celui du travail, un chômage mental et existentiel, par substitution de cette machinerie qui le domine. » « Stade ultime d’un monde qu’on a renoncé à interpréter, à penser ou à imaginer, pour le réaliser, pour l’instrumentaliser objectivement. (…) C’est un monde qui n’a plus besoin de nous. Le meilleur des mondes n’a plus besoin de nous. (…) Dessaisissement de l’homme et de sa liberté. Disqualification de l’homme au profit d’un automatisme, d’un transfert massif de décision sur l’appareil de calcul informatique. Capitulation symbolique, défaite de la volonté, beaucoup plus grave que n’importe quelle défaillance physique. » « Là où ne fonctionnent plus ni le contrat traditionnel, ni le pacte symbolique ni l’universel, ni le particulier, se noue brutalement une forme qui a tout d’un complot, au sens où tout le monde en est involontairement complice – mais dont le partage ne repose sur rien, sur aucune valeur, sinon celle d’une autodéfense délirante, répondant à une perte d’immunité totale de l’imaginaire. Car, en fait, le virus est une « cosa mentale », et si la contagion peut être aussi foudroyante, c’est que les immunités mentales, les défenses symboliques sont depuis longtemps perdues. C’est sur cette liquidation que peut s’installer un espace panique, dont fait partie à un autre titre, tout le système informatique mondial, système de réseaux et de diffusion instantanée – un espace non-euclidien, là aussi, où toutes les contre-mesures rationnelles, préventives, prophylactiques se retournent presque automatiquement contre elles-mêmes par leur excès même. La sécurité elle-même devient le meilleur medium de la terreur. »
Jean Baudrillard (1926 - 2007) - L’Agonie de la Puissance.

lundi 4 septembre 2023

Ar Lan Y Môr (Au bord de la mer) par John Cale, il s'agit d'une vieille chanson galloise dont je propose aussi le texte de la traduction française - Illustrations sonores de John Cale et Elin Ffur, puis photo de la plage de Laugharne au Pays de Galles de Christian-Edziré Déquesnes. Première diffusion le 30.07.2022 - 30 juillet 2023 - 1968 & 1977.


AU BORD DE LA MER

Au bord de la mer, des roses rouges
Au bord de la mer, tout en grandissant
Au bord de la mer, désignées je trouve
Au bord de la mer, leur beauté qui révèle...
Mon véritable Amour dort avec sa demeure

...Galets bleus couchés
Fleurs d'or étincelantes
Sont toutes & tous au plus juste
Mon Cher est trouvé...

Au bord de la mer, des roses rouges
Au bord de la mer, tout en grandissant
Au bord de la mer, désignées je trouve
Au bord de la mer, leur beauté qui révèle...
Mon véritable Amour dort avec sa demeure

Traduit du gallois vers le français
par Christian-Edziré Déquesnes