- Ton art est-il un engagement politique ? Parle-nous de la GPM qui ressemble à un mouvement politique, une déclaration d'Amour à la langue Picarde, un écusson de trouvère... Et la question inévitable, je te la pose : qui honores-tu à travers cette langue ?
- Mon "art" est la meilleure façon que j'ai trouvé pour vivre mes idées d'une manière épanouissante et qui me donne la sensation d'une élévation spirituelle. Je ne inscrit dans aucun parti politique et je ne me retrouve dans aucune religion, néanmoins j'ai des valeurs qu'il me semble cet entretien expose et il y a là-dedans une dimension politique mais ce n'est pas de la politique politicarde ; disons que j'essaye au mieux de m'inscrire dans la République de l'état ou je vis, dans une citoyenneté active & responsable.
La GPM, Grande Picardie Mentale, est un intitulé qui est venue à mon esprit et que j'ai conservé quand au milieu des années 90's, j'ai découvert l'oeuvre et le travail du poète d'Amiens, originaire de Berck, Ivar Ch'Vavar, cette "vision" qu'il développe à partir du territoire linguistique picard, cette "forêt invisible*", rendue invisible peu à peu par les derniers siècles écoulés. L'ensemble des revues "L'invention de la Picardie", puis les deux numéros de "K'minchint" (Commencement) que Ch'Vavar a auto-édité, met la lumière de par cette oeuvre sur cette réalité culturelle et sociale qui trouve son socle et ses racines dans la langue picarde, plutôt déclinaisons de la langue picarde car les variantes sont nombreuses, ce sont les patois, parlés régionaux, du territoire que l'on désigne de nos jours par l'intitulé "Les Haut-de-France", mais ce territoire linguistique s'étend aussi jusqu'en Belgique sur la zone de toute la Wallonie-picarde. Pour moi, si c'est une déclaration d'Amour, ce n'est pas juste à la langue picarde mais à la culture, les cultures plutôt, de cette terre où je suis né, une terre d'accueil et de travail, bienvenue aux derniers arrivants. Je ne m'inscrit pas dans un repli identitaire mais dans la volonté, le désir d'une véritable reconnaissance de la réalité culturelle et de l'histoire du pluralisme des Haut-de-France que pour ma part je nomme par Grande Picardie Mentale, mentale en opposition à administrative, et dans laquelle j'inclus toutes les générations d'étrangers qui sont venues sur ce territoire pour y travailler, s'y installer pour y vivre et c'est cela que j'honore à travers de par la GPM, une dimension qui est bien au delà de la langue, la langue picarde est pour moins le symbole de ce territoire ; pour nommer cela dans la seconde moitié des années 90 quand j'ai formé le groupe le blues-rock "Chés Déssaquaches" au sein duquel je chantais en picard mais aussi en français, pour nommer cela j'ai parlé de Grande Picardie Mentale et peu à peu chez certains le terme, l'expression est restée.
- Entre la tradition, conserver cette langue et la révolution de l'Art, dans cette contradiction, où te sens-tu le mieux ? En homme du passé ou homme du présent ? Est-ce de l'élitisme que de chanter dans une langue réservée aux initiés, ou une reconnaissance pour tous ceux qui se sont battus pour la perpétrer ?
- Pour moi, il n'y a aucune contradiction entre la tradition et la révolution de l'Art car l'homme d'aujourd'hui que je suis et qui avance dans le futur et sa finitude, se trouve bien dans l'élévation de par les pratiques artistiques et culturelles qu'il vit et qu'il partage. La tradition c'est le terroir ou les racines puissent des forces pour que le vivant puisse s'élever, voyez l'arbre, c'est concrètement le meilleur exemple, il a bien besoin de son terroir pour s'élever plus haut pour trouver plus de lumière.
*La Forêt Invisible, anthologie de littérature picarde est un livre de Jacques Darras, Jacqueline Pinoche, René Debrie et Pierre Ivart alias Ivar Ch'Vavar, paru en 1985, éditions Trois Cailloux ; aujourd'hui, épuisé, il serait judicieux que cet ouvrage fasse l'objet d'une actualisation et d'une réédition.
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